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philippelenoir-popculture.com

Journaliste professionnel, je propose ici de partager avec vous mes coups de coeur, mes avis et ma passion pour la culture populaire sous toutes ses formes.

Louis de Funès à la Cinémathèque : l'autre farce du 7e Art

Louis de Funès à la Cinémathèque : l'autre farce du 7e Art

Louis de Funès, après avoir été l'anti-dépresseur français du confinement printanier, est consacré roi de l'été parisien avec une grande exposition à la Cinémathèque, le temple de la cinéphilie nationale. Aucun effet d'opportunisme puisque cet événement était inscrit au programme de l'établissement depuis plus d'un an. Elle a même été reportée en raison de la crise sanitaire, puisqu'elle devait initialement démarrer en avril 2020 en même temps qu'une rétrospective consacrée à Gérard Oury. Aujourd'hui, l'événement semble faire l'unanimité, sans doute à cause du triomphe insensé de Louis de Funès lors des rediffusions de ses films à l'ère du Covid-19. Plus d'une quinzaine au total qui ont battu des records d'audience à une époque où l'offre s'est tellement démultipliée qu'il devient exceptionnel que le cinéma puisse rassembler autant de monde autour du petit écran. Bref, De Funès est un phénomène français unique en son genre, le seul acteur ayant connu son apogée dans les années 60 et 70, encore capable de dominer un prime-time télévisuel du dimanche soir. Néanmoins, si sa popularité est incontestable, il semble encore difficile de faire admettre à une frange cinéphile que Louis De Funès puisse mériter les honneurs des institutions du 7e Art.

En 2019, certaines voix s'étaient élevées contre la volonté de la Cinémathèque de réaliser cette exposition. De même, le très pointu festival de La Rochelle avait été critiqué en proposant lors de son édition 2019, une rétrospective consacrée à notre Fufu national. Il faut rappeler que la reconnaissance du talent comique de Louis de Funès a démarré, il y une dizaine d'années et qu'elle a eu tendance à s'amplifier jusqu'à culminer cette année. Quand Télérama consacra un hors-série à De Funès en 2013, l'hebdomadaire qui avait massacré la plupart de ses films à leur sortie, se fendit d'un mea culpa, avouant implicitement qu'il n'avait plus honte de rire au grimacier en chef du cinéma français. Car c'est bien le problème qui a taraudé la cinéphilie hexagonale à propos de Louis de Funès : il n'était pas bien vu de rire aux farces du roi du box-office qui triomphait dans des films populaires, loin des canons du cinéma d'auteur comme il faut. A contrario, désormais, on constate une vénération sans bornes pour le divin chauve jusqu'à délivrer des certificats de chef d’œuvres à La Grande Vadrouille ou à Rabbi Jacob. Une aubaine pour la postérité de Gérard Oury, le réalisateur étant considéré comme celui qui aurait su à merveille tirer partie du génie comique de l'explosif De Funès.

On peut aussi penser que la vérité est ailleurs. Tout d'abord, il est évident que l'acteur qui a tourné plus de 140 films a toute sa place à la Cinémathèque Française qui, comme le voulait son fondateur Henri Langlois, a vocation à célébrer tous les genres de cinéma. Reste ensuite à faire la part des choses entre le talent dément de Louis de Funès et une filmographie qu'on qualifiera d'assez décevante. Surtout de la part d'un acteur qui aura eu un pouvoir sans pareil pour tenter des aventures cinématographiques où son potentiel aurait pu faire sensation. Pour notre part, on aurait bien volontiers échangé quelques épisodes du Gendarme de Saint-Tropez pour des crochets vers un cinéma plus aventureux, dans le style de la comédie sociale italienne ou du pur burlesque à l'anglaise. Pour notre part, on est convaincu que Louis de Funès aurait été éblouissant, dirigé par un Dino Risi ou un Blake Edwards. Loin de nous l'envie de le voir endosser le rôle du clown triste qu'il était plus ou moins dans la vraie vie, mais plutôt de laisser sa nature profonde de grand comique névrosé faire exploser le cadre. Même si l'acteur dessina souvent les contours d'un burlesque dérangeant qui semblait réclamer des encouragements. Car De Funès, dans ses grande séquences, est arrivé à faire naître un véritable mauvais esprit qui irradie une filmographie somme toute consensuelle. Ce mauvais esprit, c'est sa faculté à incarner des personnages antipathiques, détenteurs d'une autorité qui leur permettait d'être odieux avec les plus faibles et obséquieux avec les puissants. Mais là où il dérange vraiment, c'est dans l'énergie physique dépensée pour faire rire, tout en nerfs, en sueur, en spasmes.... Unique et fascinant !

Alors aujourd'hui, l'effet de snobisme qui oblige certains magazines à qualifier de sublime La Soupe aux Choux ou Les Gendarmes et les Extra-Terrestres est en somme assez grotesque. Comme de hisser Rabbi Jacob au rang de chef d’œuvre contre l'intolérance frise un peu l'exagération surtout quand on ajoute que le film est si dérangeant que personne n'oserait le produire de nos jours. Un film capable de rassembler des millions de téléspectateurs un dimanche soir n'est sans doute pas si dérangeant que cela. Si en 2020, Louis de Funès reçoit les honneurs de la Cinémathèque, et se voit couronné roi de l'audimat , il ne le doit qu'à ce paradoxe qui fait de lui un pur génie de fantaisie burlesque dans des films qui n'ont été, qu'à de très rares moments, à la hauteur de son immense potentiel. Celui qui le hisse parmi les plus grands comiques de l'histoire du cinéma. C'est bien De Funès qui a sauvé la plupart des films dont il était la vedette par sa capacité à emballer de folie certaines séquences. Peut-être jusqu'à s'user physiquement et moralement dans les années 70 où son regard semblait parfois exprimer fatigue et lassitude à répéter les gimmicks qui ont fait sa gloire. Louis de Funès, s'il reste incroyablement populaire, conserve un mystère qu'aucun de ses films n'aura su véritablement ébaucher. On peut, comme c'est notre cas, le regretter un peu. On peut aussi s'en moquer. Car dans un cas comme dans l'autre, le fou rire sera le même dès que De Funès se déchaîne !

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