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Publié par Philippe LENOIR

Indochine, l'éternelle jeunesse depuis quarante ans

En 2002, au moment du retour en grâce d'Indochine avec l'album Paradize après dix ans de traversée du désert, Nicola Sirkis disait qu'il avait la chance de ne pas faire son âge. Aujourd'hui, alors qu'il a dépassé les 60 ans, le chanteur annonce une tournée des stades en 2021 alors que le pays sort tout juste de trois mois de confinement inédit. Avec en prime un nouveau titre intitulé « Nos célébrations » hymne dansant très accrocheur qui confirme le grand retour des synthés et un joli gimmick à la trompette. Et même s'il arbore désormais une tignasse argentée, Nicola Sirkis ne fait toujours pas son âge. Le miracle Indochine se perpétue donc plus que jamais, encore auréolé du succès de 13, son dernier album reconnu comme l'un des meilleurs du groupe. Le plus étonnant est encore de constater la vitalité du public d'Indochine qui mélange subtilement les fans de la première heure aux hordes de post-adolescents qui adhèrent au concept gothico-pop de Nicola Sirkis. Pourtant, Indochine n'aura jamais eu les faveurs des élites rock et cela depuis sa création en 1980. Le chanteur semble désormais en avoir fait son deuil, mais le mépris constant des médias branchés a laissé quelques cicatrices et de tenaces rancunes. Mais à l'arrivée, Indochine est bien le seul rescapé des années 80, avec Étienne Daho, à offrir autre chose que du revival nostalgique. Avec une certaine tenue éthique, évitant soigneusement de se vautrer dans le people, le charity business ou les télé-crochets.

De la pop new wave de ses débuts au gothic FM du renouveau, Indochine s'est imposé comme le plus populaire groupe de rock français bravant la dépression des années 90 où le groupe originel va se désagréger avec en point d'orgue tragique le décès prématuré de Stéphane Sirkis, le jumeau de Nicola. Depuis vingt ans, Indochine s'incarne quasiment en exclusivité autour de son chanteur qui continue de développer les thèmes qui ont fait la réputation du groupe : le malaise adolescent, le trouble de l'identité sexuelle, le romantisme épicé de SM, l'éternelle jeunesse, les violences totalitaires.... Musicalement, Indochine n'a jamais été un précurseur, ni un expérimentateur, mais a aligné des tubes à la pelle dont certains sont entrés dans le patrimoine populaire. Des débuts pop synthétique au renouveau glam des années 2000 jusqu'à la synthèse pop du dernier album, on aurait même tendance à penser que la bande à Sirkis s'est singulièrement améliorée. Lui-même chante bien mieux qu'à ses débuts comme si enfin, l'outsider du rock français n'avait plus rien à prouver aux observateurs qui lui cherchent encore des noises. Sans une once d'arrogance, Indochine, sûr de son statut, s'offre donc une tournée de cinq stades en 2021 dans tout l'hexagone qui sera portée par deux albums réunissant tous les singles du groupe. Voici nos cinq chansons préférées d'Indochine.

 

L'aventurier 1982

Curieux comme cette chanson traverse le temps avec un vrai bonheur. C'est le second single du groupe, mais c'est celui qui a véritablement lancé l'Indomania sur l'hexagone. A l'époque, le rock français est dominé par les hymnes lycéens de Téléphone et les slogans hard rock de Trust. Du rock à guitares en droite ligne des seventies qui va prendre un petit coup de vieux avec les synthés d'Indochine. Inspiré par les premiers tubes de Depeche Mode, Indochine offre à la France profonde son premier tube new wave. La jeunesse adore la fameuse mèche tombante de Nicola Sirkis, les rockers détestent ce quatuor de garçons-coiffeurs et les les anciens se demandent pourquoi un groupe prend pour nom celui d'une ancienne colonie de l'Empire. Les paroles sont quasiment incompréhensibles pour celui qui ne connaît rien à l'univers de Bob Morane, soit la majorité des gens de l'époque. Mais la mélodie est implacable soutenue par une boite à rythme métronomique qui donne envie de taper du pied. Un standard délicieusement eighties !

Des fleurs pour Salinger 1990

Après une décennie de tubes en pagaille, ce single annonce le déclin d'Indochine auprès du grand public. Pour notre part, on goûte assez peu le répertoire du groupe pendant ses glorieuses années 80. Devenu trio, le groupe cherche à sortir d'une variété new wave qui a fait son temps. Plus de rock, plus d'acoustique, mais la sauce ne prend pas vraiment. Pourtant, il faut retenir ce titre qui fut un demi-succès. Une chanson électro-pop avec une production bien plus sophistiquée que par le passé. On peut ricaner de la rime pauvre du titre, mais la chanson a beaucoup fait pour la notoriété de L'attrape-Cœurs, le roman de J.D. Salinger, best-seller très populaire dans les pays anglo-saxons. Après Bob Morane, les fans d'Indochine découvraient l'errance new yorkaise du jeune Holden Caufield écrite par un auteur devenu ermite, non pas dans un monastère, mais dans sa propriété du New-Hampshire. Indochine est fidèle au malaise adolescent qui l'inspire depuis toujours. Et trente ans plus tard, le titre tient plutôt bien la distance par rapport aux grands tubes eighties qui ont assez mal vieilli.

Un singe en hiver 2002

A l'heure du come-back d'Indochine avec le triomphe de l'album Paradize, toute la France fredonne J'ai demandé à la lune, sorte de berceuse gothico-pop écrite par Michaël Furnon de Mickey 3D. Le plus gros tube du groupe depuis L'aventurier qui relance une nouvelle Indomania avec Nicola Sirkis en unique survivant du quatuor originel. A la longue, cette lune a un peu pâli et on lui préfère cette chanson écrite par Jean-Louis Murat. Une ballade limpide sur laquelle Nicola Sirkis chante avec une ampleur nouvelle teintée de gravité. Une référence au célèbre film réunissant Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo quand on se souvient de la définition qui est faite du singe en hiver. Mais aussi une chanson nostalgique sur les vingt ans écoulés qui ont vu le groupe se désintégrer, disparaître des radars pendant dix ans... Un hiver long et glacial marqué par la disparition de Stéphane Sirkis, le jumeau du chanteur mort d'une hépatite C. Une chanson sur la résilience d'un artiste qui, à la surprise générale, se réinvente en Dorian Gray glam-métal FM pour séduire une seconde génération de fans. Ce Singe en Hiver est en dernière place sur l'album Paradize, mais se révèle désormais en pole position du revival indochinois.

 

Station 13 2017

Indochine s'est imposé depuis le triomphe de Paradize comme le groupe de rock français le plus populaire de tous les temps avec une recette bien rôdée, plutôt séduisante à défaut d'être surprenante. Et puis arrive donc le treizième album d'Indochine intitulé 13 qui délaisse la pop gothique pour revenir à un son électro new wave plus léger, plus rythmé, plus lumineux.... Surtout avec une envie de progresser, d'évoluer qui va permettre au groupe de renouveler un succès phénoménal, doublé d'une véritable reconnaissance critique. Sur Station 13, Nicola Sirkis se révèle comme un auteur inspiré sur une mélodie d'une redoutable efficacité. Un son moderne, mais avec une pincée de revival eighties, des ruptures dont un beau solo de piano, une richesse harmonique nouvelle... Et des paroles qui touchent juste par leur désespoir poli avec un chanteur qui parvient par ses intonations à trouver l'émotion juste. Une totale réussite, l'une des meilleures chansons de tout le répertoire d'Indochine. On parie qu'elle deviendra un classique sur le long terme.

La vie est belle 2017

Sans doute le tube de cet album 13 qui lui aussi joue habilement du revival eighties de la new wave avec des synthés du plus bel effet. Là encore, Indochine offre une chanson d'une grande richesse harmonique, mais le plus étonnant vient des paroles. Une chanson d'amour mais qui prend une tournure très particulière quand Nicola Sirkis évoque le cancer au détour d'une phrase. Ce n'est plus du rock, mais de la belle chanson avec juste des effets pop lumineux comme en ponctuation de la gravité qui sous-tend l'ensemble. Une forme assez étonnante d'easy-listening désespéré et mélancolique qui fonctionne à merveille Le titre de la chanson est un hommage au chef d'oeuvre de Frank Capra. Car la vie est belle et cruelle à la fois comme dans ce film universel, comme dans une carrière d'artiste.... Une chanson de très belle facture à l'instar de cet album 13 qui permet enfin à Indochine de se hisser dans la cour des grands après quatre décennies de hauts et de bas, de succès et de désillusions... Respect !

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